Corps abîmés, âmes insurgées - Lecture de Doses X-statiques de Marc Kiska

 


(Parution le 24 septembre 2025)



Dans Doses X-statiques (Éditions Abstractions, 2025), Marc Kiska propose un recueil de nouvelles où les marges de la société deviennent le centre d’une méditation poétique et politique. Ses personnages, anonymes et blessés, évoluent dans un univers saturé de violence, mais trouvent dans la nature, les plantes et les animaux une forme de salut.




Dès la préface de Claire Barré, ces figures sont décrites comme des « anges sexués shootés aux hormones et aux plantes médicinales », êtres paradoxaux qui, malgré l’oppression, conservent une pureté mystérieuse. L’écriture, dense et sensorielle, restitue la brutalité des humiliations, des viols et des exclusions, mais transforme cette douleur en acte de dévoilement. La dissociation psychique devient alors un « état de grâce », une manière de survivre et de résister.

Les récits multiplient les alliances symboliques. Dans Le Verset du renard, la relation entre le jeune X et l’animal Fanta illustre un pacte animiste où le salut n’est pas transcendant mais immanent : il se niche dans la chair, le végétal, le souffle partagé. La récurrence des images mythologiques – chevaliers arthuriens, figures bibliques revisitées – inscrit ces existences marginales dans une tradition héroïque. L’aphorisme « Dans les ténèbres se cache la lumière » agit comme un leitmotiv, transformant les monstres en porteurs de dignité.




Le style de Kiska, baroque et halluciné, alterne crudité et lyrisme. Il impose au lecteur une expérience de choc : phrases longues, visions saturées, excès de violence et de sexe. Mais cet excès n’est pas gratuit. Il sert à révéler l’oppression structurelle d’une société hétéro-patriarcale qui rejette les corps différents. Les personnages, réduits à l’abjection, se voient paradoxalement réinvestis d’une puissance spirituelle et poétique.

En définitive, Doses X-statiques s’impose comme un texte de résistance. Derrière la crudité des images, Kiska invente une écriture de la survie et de la réinvention, où la fragilité devient force et où les marges révèlent la vérité d’un monde au bord de l’effondrement.



Écrivain et photographe, Marc Kiska a grandi près de Saint-Étienne, en France, et vit actuellement en Norvège. En 2017, il publie Les Vestiges d’Alice (Tabou Éditions), premier roman brut et poétique pour lequel il sera lauréat du Prix du roman gay. Après une ultime édition Deluxe et bilingue de son artbook Outlandish /ROOM/, publiée chez Abstractions et réunissant dix années de travail photographique, Marc Kiska revient sur le devant de la scène littéraire avec le recueil de nouvelles Doses X-statiques


Texte rédigé par Velimir Mladenovic
@mlvelja



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